Des lettres qui pleuvent...


Le monde dans ses yeux


Il avait les cheveux bruns et les yeux verts. Encore aujourd'hui, ses cheveux sont bruns et ses yeux sont verts. Il pouvait rester des heures face à la mer, les cheveux défaits. Je suis persuadée qu'encore aujourd'hui, il s'assoit sur son rocher, tout en haut de la falaise et qu’il regarde la mer pendant des heures.

Je me suis toujours demandé ce qu'il pouvait penser à l'instant, j'ai pris des photos, il y en a tant que je ne saurais les compter. L'expression est toujours la même, il n'est pas d'ici, il est d'ailleurs. On peut vouloir capturer le regard, le reproduire au millimètre près, je ne saurai jamais ce que ses yeux voyaient lorsqu'il faisait face à la mer, les cheveux défaits.

J'ai imaginé, ses voyages, ses divagations…

Il était sans doute un de ces pirates que les mers ont connu. Il a dû le rester sur toutes les photos où l'enfance l'emporte encore sur le visage de l'homme. Ensuite, ensuite je ne sais pas, peut-être a t-il été un grand navigateur. Je n'arrive pas à le voir sur ces beaux bateaux neufs et si performants, ces grandes carcasses sans âme. Non moi je le pense intensément sur un immense voilier en bois, « la grande voile, hissez la grande voile », devait-il crier. A qui, je ne sais pas, j'ai toujours imaginé ses voyages solitaires, habités de lui, seulement de lui.

Un jour je lui ai demandé :
- "Mais où vas-tu quand tes yeux ne me voient plus".
Simplement, si simplement, il m'avait dit :

- "Tu n'as donc pas vu ?"

J'ai longtemps retourné cette phrase, lui cherchant un sens, alors qu'elle était évidente. Non, je n'avais pas vu, je n'avais pas cette faculté à disparaître en pleine mer en restant juste assise sur un rocher. Je ne savais pas m'évader par la pensée.

- " Tu n'as donc pas vu ?"

J'ai peut être commencé à écrire pour ça, pour lui montrer qu'un jour je réussirai. J'ai échoué, c'est une question de mentalité, il avait ça en lui, je ne l'ai jamais eue. J'aurais tout donné pour savoir le faire, mais l'évasion c'est pas mon pays, j'ai pas la carte au trésor, j'ai pas trouvé le pied de l'arc en ciel.

- " Tu n'as donc pas vu ?"

Simplement, si simplement, aujourd'hui je le vois encore s'évader par la mer. Bien sûr que si, j'avais vu, j’ai toujours vu, mais je n'ai jamais su où il allait. J'ai juste vu qu'il n'était plus là, qu'il préférait les voyages agités, que sa vie ne l'était pas.

La mer, la mer...c'est elle qui t'a eu et tes voyages et tes autres vies, il n'y a qu'elle qui les saura, moi j'ai juste vu...

J'aurais tellement aimé les savoir, alors je vais sur ton rocher mais je ne m’imagine pas partir en mer. Je m’assois à ta place et je vois parfois tes voyages. Quand tu auras fait le tour du monde avec moi, j’abandonnerai le rocher…

Il avait les cheveux bruns, toujours défaits et les yeux mer…



A Julien…

C'est à toi que j'aurais voulu dire ça :
- on ira voir la mer
(mais on l'avait déjà au creux des mains).

Alors j'aurais dû te dire :
- on ira voir la vie
d'un peu plus près
voir si c'est bien."

(si un jour on en revient)

2 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est superbe.

saucisse a dit…

oui superbe celui-là,je m'en souviens...