Des lettres qui pleuvent...


Il ne me reste qu'une seule question

C'est une image ancrée, elle a plus de vingt ans et pourtant quand je dois penser à toi, c'est toujours celle qui revient.

Je vois un homme seul assis sur une chaise de la cuisine des grands-parents. Je vois un homme immobile presque mort. J'ai gardé cette image sans la comprendre pendant des années, jusqu'à ce que je croise à nouveau cette scène sans toi. C'était un clochard dans la rue, j'ai demandé à maman s'il était mort, parce qu'il ne bougeait plus, parce qu'il était dans cette même position immobile que je connaissais, posé contre son mur comme tu l'étais sur ce dossier et la figure peinte d'un air morbide. Elle m'a répondu que c'était les bières au sol qui avaient fait ça. Qu'il n'était pas mort mais qu'il était un peu bourré selon ses termes. Toi je ne te voyais plus, alors je me suis contentée de cette explications sommaire.

Le pourquoi, le comment, sont venus bien plus tard. J'ai cru te devoir quelque chose ou bien être la cause de ce malaise. J'ai cru devoir réparer ce qui n'était en rien ma faute. Je n'ai rien en commun avec toi, tu n'es pas un homme, tu n'es qu'un lâche qui n'a su que détruire sans l'ambition de pouvoir reconstruire un jour.

Les autres t'ont visiblement pardonné, je le vois quand ils amènent leurs enfants. Je te vois jouer avec eux et je reconnais tout, cet air d'homme absent, cette façon de faire semblant. Il n'y a rien de familial ici sauf l'illusion qu'ils veulent entretenir. Je ne leur en veux pas, ils sont sûrement passés à autre chose, ils se disent sans doute que leurs enfants doivent connaître leur papi.

Et puis finalement tu n'as plus fais tant de mal que ça depuis quelques années, d'être la dernière me les rend sans doute moins lointaines. Je n'ai pas d'enfant, je ne peux pas juger de leur façon d'être à présent avec toi. Il reste cependant que tu n'as jamais été un père pour moi, comment pourrais tu un jour jouer ce rôle avec mes enfants.

Une question me revient souvent. Un jour, quand je devrais me rendre à ton enterrement, devrais-je également pleurer pour faire comme les autres ? Je ne m'en sens pas la force aujourd'hui et le temps passant, il serait souhaitable que je reste honnête avec toi jusqu'au bout.

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