Des lettres qui pleuvent...


Ces pas grands choses (concours)

«La vieille bâtisse découpait l'horizon quand le crépuscule pointait... Laissée à l'abandon peut-être et surtout au fracas incessant des vagues qui grignotaient les contrebas de la falaise. D'aucuns disaient, qu'à la tombée de la nuit, l'on entendait des cris ou bien toutes sortes de musique inquiétante... Mais tous étaient bien ignorants... Moi, je savais...»

Dans tous les petits villages, il y a cette maison. Petit on vous dit : «Prends garde si la nuit tombe n'approche pas. Il y a eu des drames ici, il s'en jouera encore.» Et tous les soirs je venais défier ce lieu dit hanté, inquiétant.

Ce que je peux en rire.

Maman ne voulait pas que je la regarde (il ne faut pas combattre la curiosité des enfants, il faut la satisfaire). Elle déposait sa main comme un masque. Ce qu'elle n'a pas su, c'est qu'elle ne serrait pas assez fort.

J'avais déjà lu beaucoup d'histoires, cette maison je la connaissais. Là, entre deux couvertures tissées de bleu, on en parlait et moi, moi du haut de mes neuf ans je lui faisais face en vrai, protégée par la main de ma mère. Il me semblait qu'une légère brise aurait pu l'emporter et la faire basculer à la mer. Peut-être était-ce sa destinée finale.

J'en étais sûre une femme de marin avait vécu ici.

La mer, la mer à perte de vue comme une envolée de notes sauvages évadées. La musique venait bien d'un piano, inquiétant, peut-être. A mes oreilles il sonnait plus désaccordé qu'autre chose. Pour les cris il me fallut attendre un peu. Ils arrivaient toujours après la musique, je devais vieillir encore et veiller jusqu'à la nuit sombre. Deux ans, j'ai dû attendre deux ans pour que l'histoire entière prenne vie.

Il n'y a pas de petits villages sans histoire.

Il n'y avait là pas grand chose. Ces pas grands choses qui donnent à l'enfance des joues roses, des envies de découvrir le monde, d'autres villages, d'autres histoires. D'autres maisons habitées par un pianiste solitaire qui avait comme fâcheuse habitude, de ne pas accorder son instrument. Qui criait à la mer ce que la vie lui devait, ce qu'il n'avait pas su prendre.

L'alcool, la musique et la mer, toutes les habitations d'ici en étaient imbibées. Trouvaient-ils celle du curé inquiétante aussi, je ne sais pas. Ce que j'ai su un peu plus tard sur cette maison, c'est qu'en effet une femme l'avait habitée, attendant en vain ce que la mer lui avait pris.

Tous les petits villages ont leurs histoires.

Moi j'ai dans le dos cette bâtisse et perdue au fond des yeux la mer. Il faut avoir besoin d'étouffer ses cris entre les vagues pour y découvrir leurs chuchotements...

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